"Portrait(s)", la deuxième édition du rendez-vous photographique de la ville de Vichy prend son essor et se tient cette année du 13 juin au 31 août. Après le succès de la première édition, saluée par 25 000 visiteurs, Vichy redevient le temps d’une saison un avant-poste de la photographie d’aujourd’hui et présente au public des expositions à la fois marquantes et accessibles, centrées exclusivement sur l’art du portrait.
Le festival présente différentes approches du portrait, qu’elles soient issues de la tradition documentaire ou bien qu’elles relèvent de la fiction, de l’intime ou encore de dispositifs plus conceptuels. Il s’appuie sur les oeuvres de photographes confirmés comme d’artistes plus jeunes. Il propose un voyage dans une pluralité de visions et de regards - oeuvres de photographes confirmés comme d’artistes plus jeunes s’y côtoient - afin de permettre au public de découvrir et redécouvrir le portrait dans ses formes les plus classiques comme les plus déroutantes.
Jeanloup Sieff, disparu en 2000, laisse derrière lui une galerie sensible de portraits de personnalités photographiées tout au long de sa carrière. Bruce Gilden percute les passants de New York et produit des images à l’estomac qui traduisent la frénésie de la ville. Michael Wolf capture les voyageurs derrière les vitres du métro de Tokyo, visages incarcérés dans les fenêtres des wagons comme autant de poissons en aquarium. Jim Naughten, pour sa première exposition en France, présente les Héréros de Namibie dont les vêtements d’apparat, robes longues et costumes militaires empruntés à l’ancien colon germanique, commémorent une histoire sanglante. Martina Bacigalupo recycle d’étranges portraits sans visages trouvés au Gulu Real Art Studio, en Ouganda, images dépossédées de ce qui constituent leur matière première et qui soudain obligent le regardeur à imaginer les visages qui ont été évincés du cadre. Claudia Huidobro se lance dans un corps à corps avec soi-même et avec l’espace, et fait de sa grande silhouette un objet de sculpture qui repousse les murs. Les éditions Filigranes, enfin, remontent le temps et, à la faveur d’une sélection de portraits, reviennent sur la complicité qui les lie aux nombreux auteurs qu’ils ont publiés depuis leur naissance en 1988.
Cette année, la ville confirme également son engagement auprès de la photographie contemporaine, en offrant pour la première fois une résidence à un photographe. Cédric Delsaux a posé, en avril dernier, un socle dans les rues et les jardins de Vichy et demandé à de simples passants de monter sur cette mini scène. Le temps d’un cliché, il a réenvisagé les liens qui unissent les gens et les lieux dans lesquels ils évoluent chaque jour.
Ces huit expositions se tiennent simultanément en centre-ville et à l’extérieur, à ciel ouvert. Dans l’espace des galeries du Centre Culturel Valery-Larbaud, construit au début du siècle dernier, sont réunis : Bruce Gilden, Michael Wolf, Jim Naughten, Martina Bacigalupo, Claudia Huidobro, ainsi que les éditions Filigranes. Sur l’esplanade du lac de l’Allier, les promeneurs peuvent découvrir une soixantaine de portraits de personnalités et de mannequins réalisés sur cinq décennies par Jeanloup Sieff. Place Saint-Louis, ce sont les photos sur piédestal des Vichyssois, fruits d’une commandé passée à Cédric Delsaux, qui sont exposés.
Beaucoup d’expositions ont été consacrées à Jeanloup Sieff, disparu en septembre 2000, mais c’est la première vouée exclusivement à ses portraits. L’accrochage réunit une soixantaine d’images qui courent sur plus de 50 ans de carrière, un panthéon personnel où l’on reconnaît le sourire moqueur de Rudolf Noureev sous sa toque de fourrure, les taches de rousseur du mannequin Twiggy ou encore le sourcil interrogateur de François Truffaut abrité sous un parapluie. Il oeuvrait sur commande pour les plus grands magazines (Jardin des Modes, Nova, Harper's Bazaar, Vogue...) et savait mieux que tout autre se servir du noir et blanc pour capter le naturel et renvoyer la lumière intérieure de ses modèles. Ces portraits sont si doux et si enjoués qu’ils donnent le sentiment que Jeanloup Sieff ne travaillait jamais et ne photographiait que ses amis.
Ina, Photo de mode pour Harper' s Bazaar, 1962
© Estate Jeanloup Sieff
Jane Birkin. Photo de mode pour Harper' s Bazaar. Rome, 1966
© Estate Jeanloup Sieff
Les anciens combattants aiment les médailles et les uniformes. en plein désert namibien, les Héréros ont leur façon à eux de commémorer le soulèvement de leurs ancêtres contre l’oppresseur allemand, en 1904. Ils portent les vêtements des anciens colons et exorcisent ainsi les rites violents de l’occupant. Sur fond de nulle part, dans une brume de chaleur et un silence incandescent, l’Anglais Jim Naughten a photographié la tribu Héréro revêtue de singuliers costumes : robes longues à manches bouffantes pour les femmes, uniformes prussiens, brandebourgs et ceinturons pour les hommes… Vêtements surréalistes échappés d’une histoire sanglante.
New York City, cette métropole unique que Le Corbusier appelait « a beautiful catastrophe » est le lieu de vie de Bruce Gilden. Depuis 1981, Gilden arpente les rues de la ville et capture des images de ses personnages et des ses excentricités dans un style frontal, exubérant et d’une intense énergie.
Dans la série « A Beautiful Catastrophe», le photographe de Magnum Bruce Gilden célèbre avec abandon sa marque de fabrique si particulière, confirmant définitivement sa place dans le panthéon des poètes de rue new yorkais.
Bruce Gilden est membre de l’agence Magnum Photos.
Personne ne se souviendrait du « Gulu Real Art Studio », au nord de l’ Ouganda, si la photographe italienne Martina Bacigalupo n’en avait un jour poussé la porte et découvert là une pratique étrange. Celle qui consiste à faire des portraits larges des clients, à découper dans les tirages un rectangle de 35 x 45 mm qui correspond au format administratif des photos d’identité et à jeter le reste. C’est ce rebut précisément qui a intrigué Martina Bacigalupo, ces corps sans têtes, ces images radicalement désincarnées qu’elle recycle et réunit, reconstituant à son insu la grande famille des absents, la communauté fantôme des habitants de Gulu dont seuls les postures et les vêtements permettent aujourd’hui de retrouver l’unité.
Martina Bacigalupo est membre de l’Agence Vu’. elle est représentée par la Galerie Camilla Grimaldi, Londres.
Une pièce située dans un château du sud de la France, quelques objets trouvés sur place et un appareil photo doté d’un retardateur, il n’en faut pas davantage à Claudia Huidobro pour construire une série dont sa grande silhouette est le pivot. Dans des volumes contraints, la photographe chilienne contraint son corps. Habile danseuse et contorsionniste, elle fait disparaître son visage pour ne plus être qu’une forme quasi abstraite qui se loge tant bien que mal sous les combles, géante qui s’affronte au vide, repousse les murs, tutoie les plafonds, bouscule le décor et d’une certaine façon, finit par l’apprivoiser et ne plus faire qu’un avec lui.
Dans la série « Tokyo Compression » le photographe allemand Michael Wolf a observé les voyageurs dans le métro bondé de la capitale nippone, cadrant les corps et les visages comprimés par le nombre, produisant des images oppressées qui ne sont pas sans évoquer les « accumulations » du sculpteur Arman. Saisissant comme personne le blues des mégalopoles, il s’est peut-être souvenu aussi des photos que Walker Evans avait prises dans le métro new-yorkais dans les années 30, où, déjà, les regards absents des voyageurs traduisaient le stress du citadin. Dans ces images plus closes qu’une porte de prison, les laborieux des villes, yeux clos, joues plaquées contre les vitres ruisselantes, semblent condamnés chaque jour à revivre, au coeur même de la foule, l’expérience de l’ultra solitude.
Michael Wolf est représenté par La Galerie Particulière / Galerie Foucher-Biousse, Paris.
Créées en 1988, les éditions Filigranes ont publié près de 500 livres qui ont marqué l’histoire de l’édition photographique en France. Pour célébrer cette aventure éditoriale, Filigranes a choisi dans ses publications un bouquet de visages qui rendent compte de la diversité et de la richesse de ses auteurs. On croisera les photos amoureuses de Bernard Plossu, l’homme qui aime les femmes et les photographie comme on fait une caresse, les portraits ambigus de Dorothée Smith, qui fait vaciller les frontières du masculin et du féminin, les autoportraits surréalistes de Gilbert Garcin, et chemin faisant, entre mise à nu et masques, rires et gravité, la planète Filigranes lèvera une part de ses secrets.
Que se passe-t-il lorsque l’on pose un socle au beau milieu de l’espace public et que l’on demande aux passants de monter dessus ? Le socle est le premier pas vers le piédestal semble dire Cédric Delsaux qui a démarré depuis plusieurs années déjà une série baptisée « echelle 1 » où il réenvisage les liens qui unissent les gens et les lieux dans lesquels ils évoluent chaque jour. A Vichy où il a mené une résidence au printemps dernier, le photographe a reconduit l’aventure et su persuader les Vichyssois, que chacun d’entre eux, le temps d’un portrait statufié, avait le droit de devenir l’emblème de sa ville, le héros de son quartier.
A partir du 1er décembre, collecte des déchets ménagers (sacs et bacs noirs) uniquement le VENDREDI