10 JUILLET 2024 - CÉRÉMONIE EN L'HONNEUR DES 80 PARLEMENTAIRES

Il y a 84 ans, 80 parlementaires refusaient les pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain dans la salle de l’Opéra de Vichy.

Aujourd’hui, élus du territoire, représentants de l’État, de l’Association des Maires de France, étaient présents pour leur rendre hommage en ce même lieu, avec les dépôts de gerbes sur le parvis du Palais des congrès-Opéra, et les discours en leurs mémoires.

 

Noël à Vichy

 


 

Discours de Frédéric Aguilera, Maire de Vichy

Commémoration du vote des 80

10 juillet 2024, Opéra de Vichy

 

Madame la Préfète,

Messieurs les Sénateurs,

Monsieur le Président du Conseil départemental de l’Allier,

Madame la Secrétaire adjointe de l’Association des Maires de France,

Mesdames et Messieurs les Maires,

Mesdames et Messieurs les élus régionaux, départementaux et municipaux,

Monsieur le Président du « Comité en l’honneur des 80 parlementaires et des passagers du Massilia », mon cher Joseph BLETHON

Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,

Mesdames et Messieurs,

 

Il y a 84 ans, dans cette salle, la République fut enterrée en un seul vote. Et seulement 80 parlementaires s’y opposèrent.

Ce vote, est la démonstration de la fragilité de nos institutions, il est la démonstration que la démocratie est le meilleur système, mais aussi le plus fragile, pour défendre nos valeurs quand les vents contraires soufflent.  

Le rôle de nos institutions, la fragilité de notre état de droit, c’était le sens de la présence du Président du Conseil Constitutionnel qui devait présider notre cérémonie aujourd’hui. Mais, l’actualité politique en a décidé autrement.

Quand le sommet vacille, il faut s’assurer que les fondations sont solides. Les fondations de notre République sont tenues par les Maires. Je remercie donc l’Association des Maires d’avoir accepté de co-présider cette cérémonie. Merci à Veronique Pouzadoux, Secrétaire générale adjointe pour sa présence et à David Lisnard, Président, d’avoir validé la démarche.

 

Cher collègue Maires,

Je suis très honoré de vous accueillir à Vichy pour commémorer la mémoire des 80 parlementaires qui ont refusé de voter les pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain le 10 juillet 1940.

Permettez-moi de souligner le symbole que constitue votre présence à l’heure où les populistes n’ont jamais été aussi nombreux au sein de la représentation nationale.

Notre pays est dans une situation politique chaotique. Aujourd’hui, les communes sont plus que jamais des pôles de stabilité.

En tant qu’élus de proximité, nous sommes les premiers relais des libertés locales, garantes de la stabilité de notre démocratie. Notre mandat nous oblige.

En tant que sentinelles de la République, nous représentons le dernier rempart pour faire barrage au mépris et à la haine de l’autre. A l’image de Victor LE GORGEU, l’un des 80 Parlementaires. Également Maire de Brest, il fut destitué le 30 décembre 1941 pour avoir refusé de voter une motion de confiance à Pétain. Je salue son descendant présent aujourd’hui.

Même si nous sommes conscients des besoins de nos territoires, nous savons que, répondre à l’inquiétude par une politique du rejet, n’est pas la solution.

Des trois vertus inscrites dans la devise de notre République, l'usage veut que la fraternité soit citée en dernier, mais elle n'est pas la moins importante. Les Français l’ont toujours pratiquée, notamment dans les moments difficiles, les Maires en sont, eux, les chevilles ouvrières.

 

Ce matin, comme tous les 10 juillet, Vichy n’a pas peur de mener le combat du devoir de mémoire.

C’est un hommage à la démocratie qui nous rassemble.

Un hommage à la Patrie des Lumières et des Droits de l’Homme.

Un hommage à une République protectrice et universelle.

Un hommage à la mémoire des 80.

Regarder notre Histoire en face est un impératif pour ne pas s’égarer.

Le 10 juillet 1940, la République est enterrée et avec elle, ses institutions, au fondement de notre pacte démocratique : les lois scolaires de Jules Ferry, la loi de 1901 sur les associations, la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, ...

Au-delà de la portée constitutionnelle de ce vote du 10 juillet 1940, cette date marquera à jamais le moment où la République sombra, où l’État français entama son processus de collaboration avec l’Allemagne nazie.

Alors que les pleins pouvoirs n’avaient que pour objectif de préparer une constitution, Pétain, au lendemain du vote, promulguera une suite de lois et de décrets anti-juifs : le décret-loi du 22 juillet 1940 portant sur la révision des naturalisations : 8.000 juifs deviendront apatrides ! Ou encore la loi du 3 octobre 1940 portant sur le « statut des Juifs ». Sur cette période, on comptera plus de 200 textes xénophobes, antisémites et homophobes.

N'oublions jamais que le populisme se nourrit de la haine et de la stigmatisation de l’autre.

Peut-on imaginer pire pour un État que de livrer ses propres enfants, à l’image du jeune Vichyssois Michel CRESPIN qui périt en déportation à l’âge de 6 mois au camp d’extermination d’Auschwitz ?

Le vote des 80 a constitué un des premiers actes de résistance, comme le rappela le Général de Gaulle. Certains le payèrent au prix fort. Félix Gouin, alors député des Bouches-du-Rhône, écrira, je cite : « Les 80 députés et sénateurs qui émirent ce vote savaient qu'ils payeraient leur geste du prix de leur sécurité. En fait, le plus grand nombre d'entre eux connurent la prison, la déportation, la torture ou la mort. Mais ils étaient soutenus par la conviction qu'ils défendaient des vérités éternelles et qu'ils empêchaient, dans la grande nuit qui s'étendait sur leur patrie, (…) que s'éteigne à jamais la flamme de la liberté ». (fin de citation)

Nous honorons donc aujourd’hui ces 80 parlementaires qui ont ouvert la voie de cette résistance institutionnelle et bien sûr d’autres suivront.

Nous honorons ceux qui ont pris leur responsabilité,

Nous honorons ceux qui combattent le populisme.

Plus que jamais, souhaitons que les parlementaires de 2024 s’inspirent de la mémoire des 80.

 

2024 est une année particulière, une année ponctuée de fiertés françaises et de célébrations à l’occasion du 80e anniversaire de la Libération.

2024 est l’année de la Résistance, une année qui doit nous rendre fiers de nos valeurs, fiers de notre histoire, fiers de nos ancêtres qui ont perdu la vie pour nous libérer.

Le 26 août prochain, nous allons célébrer les 80 ans de la Libération de Vichy et honorer l’ensemble des résistants, qui ont écrit notre Histoire, à travers un nouveau Monument à la Résistance qui va être érigé place Charles-de-Gaulle.

À cette occasion, nous honorerons Georges Mandel, passager du Massilia, en dénommant un square au pied de cet Hôtel des Postes, qu’il a inauguré en 1935.

Mais, qu’est-ce que commémorer aujourd’hui ? Force est de constater que les messages ne passent plus, pourtant c’est notre Histoire qu’il faut transmettre pour ne pas commettre les mêmes erreurs.

Ce qui s’est passé ces derniers jours a démontré que le passé éclaire insuffisamment le présent. Il nous faut donc, inlassablement, rappeler l’Histoire de certains partis politiques et de certaines idéologies.

Les commémorations qui jalonnent notre calendrier doivent permettre d’exprimer notre profonde reconnaissance envers les générations précédentes et contribuent à forger une identité collective, robuste, fondée sur le respect des valeurs républicaines.

N’oublions pas que nous sommes simplement de passage, des traits d’unions qui œuvrent pour un temps donné, et que nous nous devons d’accomplir cela invariablement avec une grande humilité.

Mesdames et Messieurs,

Rendons hommage à ceux qui ont su dire « non » et regardons l’avenir avec l’espoir de ceux qui sauront dire « non » car, plus que jamais, nous savons que la République est fragile.

10 juillet 1940, au milieu des clameurs des majoritaires qui viennent d’anéantir la IIIe République, alors qu’on lui refuse l’accès à la tribune, rappelons-nous de l’exclamation de Vincent Badie, député de l’Hérault, je cite : « Vive la République quand même ! »

Aujourd’hui, nous devons être dignes de cet héritage en sachant faire Nation autour de notre République, autour de nos héros, et face aux défis qui se dressent.

Je vous remercie.