Monsieur le Président,
Merci d’avoir répondu à l’invitation des Vichyssoises et des Vichyssois.
C’est un honneur de vous accueillir.
Un honneur car, à Vichy, les visites Présidentielles sont rares.
Un honneur, car cette visite vient couronner une année 2021 historique pour Vichy.
Historique, du fait du transfert du domaine thermal, que nous attendions depuis des décennies. Il y a quelques mois encore, vous étiez chez vous, dans ce hall des Sources ;
Historique, du fait de l’inscription de Vichy au patrimoine mondial de l’UNESCO avec nos partenaires européens des « Grandes villes d’eaux d’Europe ».
C’est un honneur de vous accueillir car vous êtes venu parler de l’avenir de notre ville.
Un honneur, enfin, car le parcours mémoriel que vous allez réaliser démontre votre souhait de nous accompagner dans notre démarche pour réhabiliter notre nom.
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Monsieur Le Président,
Nous souhaitons vous présenter notre stratégie pour que Vichy redevienne la « Reine des villes d’Eaux », pour qu’elle redevienne une destination thermale et touristique de référence à l’échelle européenne.
Pour cela nous investissons sur 3 thématiques : le sport, le thermalisme, le patrimoine.
- Pour le sport, nous allons renforcer notre positionnement comme destination pour le haut niveau, ainsi que pour les grands événements. Nous sommes heureux d’être le territoire où les sportifs internationaux pourront préparer le plus grand nombre de disciplines dans la perspective des JO 2024 et nous sommes fiers d’accueillir régulièrement des rendez-vous d’envergure mondiale. D’ailleurs, je tiens à souligner qu’après Brisbane, c’est à Vichy que se dérouleront les Global Games, en 2023.
- Notre deuxième ambition est d’affirmer le rayonnement thermal de Vichy et son positionnement autour de la santé et de la prévention. C’est l’objet du projet « Accélération 2030 » que nous allons vous présenter dans un instant.
- Enfin, à la suite de notre inscription sur la liste du patrimoine mondial, il est urgent de restaurer notre patrimoine, à l’image de ce parc des Sources, poumon de 6 hectares en cœur de ville, de la taille de la place Saint-Marc, à Venise. C’est le cœur du bien UNESCO. Là aussi nous vous présenterons dans un instant notre projet.
Ces 3 thématiques représentent près de 200 millions d’euros d’investissement que nous mobilisons, avec nos partenaires, dont l’Etat.
Si nous avons cette ambition forte, c’est que nous aimons notre ville, nous aimons notre patrimoine, nous sommes fiers de nos 2000 ans d'histoire et nous croyons en notre avenir.
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Monsieur Le Président,
Vous le voyez, nous ne manquons pas d’énergie pour Vichy. Nous sommes résolument tournés vers l’avenir.
Pourtant, un boulet sémantique continue, encore et toujours, de lester l’envol de notre ville. Un boulet lourd de quatre années de plomb. Nous mesurons quotidiennement, à Vichy, ce qu’est le poids des mots. Le poids d’une stigmatisation injuste.
Vichy reste associée à la honte française.
Vichy est la honte française.
Vichy est LA victime expiatoire d’un pays qui a du mal à regarder son passé en face.
L’expression « Régime de Vichy » était, après-guerre, un moyen de favoriser l’unité du pays et protéger l’image de la France.
Pourtant, 80 ans après, cette unité est retrouvée et, depuis, un long processus de reconnaissance a été enclenché par des combattants de la vérité, comme les époux Klarsfeld, dont je salue la présence aujourd’hui à Vichy, ou encore Simone Veil.
Ce combat s’est traduit dans le discours du Président Jacques Chirac en 1995, lors des commémorations de la rafle Vel d’hiv’. Discours qui restera gravé dans l’histoire de France et dans le cœur des Vichyssois.
Ces propos mettaient un terme à 50 ans de déni officiel, 50 années d’une réécriture historique qui voulait faire croire que la collaboration n’était pas le fait de la France, en tant que machine administrative et politique, mais d’une sorte de branche illégitime de l’Etat, désormais abattue.
Une légende basée sur un postulat tronqué en vertu duquel « c’était Vichy, ce n’était pas la France ».
Aux Vichyssois d’en assumer le fardeau. A Vichy d’incarner cette période !
Jacques Chirac a fait un pas énorme, sur ce chemin de résilience. Mais il reste encore à faire.
Cette manière d’orienter le récit historique de notre pays, et la persistance même de ce déni pernicieux, constituent un vrai danger pour l’avenir.
Vivre dans le déni, c’est entretenir les braises des anciens feux.
Vivre dans le déni, c’est garder la porte ouverte à la résurgence des vieux démons.
Au moment où les populistes sont aux portes du pouvoir, et où le révisionnisme tend pour certains à constituer un programme électoral, il serait pourtant nécessaire de rappeler que c’est bien l’État, notre Etat français, qui a failli. Notre Etat, qui peut mettre en œuvre les pires politiques lorsqu’il est entre des mains peu soucieuses des valeurs humanistes et républicaines.
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Monsieur Le Président,
Je souhaite vous remettre officiellement, pendant cette visite, une délibération de notre Conseil Municipal du 20 novembre 1944, qui demande de ne plus stigmatiser notre ville.
Je souhaite que l’Etat puisse nous accompagner dans notre projet de musée sur les 2000 ans d’histoire de Vichy, dont une partie sera consacrée, bien sûr, au régime de Pétain et à la collaboration de l’Etat Français. Parce que nous n’avons pas la mémoire sélective, et parce que nous avons besoin d’être lucide sur notre passé, sur tout notre passé.
Mais nous ne pouvons pas porter seuls cette mémoire. C’est, avant tout, à la France d’avancer sur cette période.
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Monsieur le Président,
Renforcée par ces épreuves qu’elle a traversées, Vichy est forte et relève la tête.
Vichy est résolument tournée vers son avenir, Vichy avance.
Après cette année historique pour notre ville, tous les éléments sont réunis pour écrire un nouveau chapitre de notre histoire et assurer la Renaissance de notre « Reine des villes d’eaux ».
Puissions-nous la faire rayonner ensemble.
Vive Vichy !
► Discours de Frédéric AGUILERA (Maire de Vichy et Président de Vichy Communauté) : 10 juillet 2020
Monsieur le Président du Sénat,
Messieurs les Ministres,
Madame la sous-Préfète,
Madame la Députée,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Mesdames et Messieurs les élus régionaux, départementaux et municipaux,
Monsieur le Président du Comité en l’honneur des 80 parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents d’associations culturelles et patriotiques,
Mesdames et Messieurs,
Je suis honoré de vous accueillir ce matin dans cette salle magnifique de l’Opéra de Vichy pour célébrer avec vous le premier acte de résistance parlementaire, qui fût porté ici même par 80 élus de la République le 10 juillet 1940.
Je veux, avant toute chose, avoir une pensée particulière pour Christophe Pommeray, conseiller municipal de Vichy et Secrétaire général du Comité en l’honneur des 80, qui nous a quittés l’an dernier. Christophe Pommeray était un ardent défenseur de Vichy ainsi qu’un infatigable avocat de la mémoire des 80. Cette cérémonie a pris une vraie ampleur avec le temps et, il y est pour beaucoup, tout comme vous mon cher Joseph.
Cette ampleur, nous la mesurons à l’attachement porté par les deux chambres parlementaires, à cette cérémonie. L’an passé, nous avions accueilli Richard Ferrand, Président de l’Assemblée Nationale. Cette année, c’est au tour de Gérard Larcher, Président du Sénat d’être parmi nous. Je suis heureux de constater le niveau de solennité que conserve cette cérémonie année après année.
Bienvenue donc à vous, Monsieur le Président. Merci pour votre présence qui honore la mémoire des 80. Votre présence honore aussi la Ville de Vichy et ses habitants. Nous savons compter en vous un ami fidèle et bienveillant. Vous êtes venu à plusieurs reprises et, si vous persistez à fréquenter Vichy, c’est sans doute parce que vous percevez tout à la fois la douceur de vivre et le dynamisme de notre belle cité.
En vous accueillant cette année, je me remémore en particulier votre visite de l’an dernier, à l’occasion de l’exposition « Il était une fois la Reine des Villes d’eaux ». Une grande exposition qui a attiré 30 000 visiteurs curieux de découvrir l’histoire bimillénaire de Vichy. 2000 ans d’une histoire riche, prestigieuse et parfois complexe. Raconter toute l’histoire de Vichy, c’est mettre en avant son âge d’or mais c’est aussi assumer la présence encombrante et non souhaitée du gouvernement de la France entre 1940 et 1944. Et c’est ce que nous avons fait.
C’est aussi ce que nous continuons à faire chaque année, le 10 juillet, à travers cette cérémonie destinée à rendre hommage aux 80 élus qui, contre les postures politiciennes, contre les lâchetés, ont pris le risque de tout perdre.
Ces hommes furent des résistants. Ils furent ce qu’il restait d’honneur à la République française, quand leurs collègues foulaient au pied tous ses principes, en même temps que ses institutions.
Le 10 juillet 1940, la République sombra et l’Etat français entama son processus de collaboration avec l’Allemagne nazie. Un processus qui irait jusqu’à l’indignité par l’adoption dès 1940 de lois anti-juives.
Peut-on imaginer pire crime, pour un Etat, que celui qui consiste à livrer ses propres enfants à l’ennemi et à la mort en raison de leur religion ?
C’est une honte nationale inscrite à jamais dans notre histoire de France. Une honte née au coeur même de l’appareil d’Etat.
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Il aura fallu attendre le 16 juillet 1995, soit plus d’un demi-siècle, pour que les plus hautes autorités françaises reconnaissent officiellement la responsabilité pleine et entière de l’Etat.
C’est Jacques Chirac qui, le premier, dira haut et fort ce qu’aucun président n’avait osé dire avant lui. Je cite : « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français ».
Ces propos mettaient un terme à 50 ans de déni officiel, 50 années d’une réécriture historique qui voulait faire croire que la collaboration n’était pas le fait de la France, en tant que machine administrative et politique, mais d’une sorte de branche illégitime de l’Etat, désormais abattue.
Une légende basée sur un postulat tronqué en vertu duquel « c’était Vichy, ce n’était pas la France ».
Aux Vichyssois d’en assumer le fardeau. A Vichy d’incarner cette période !
De Gaulle, qui avait perçu ce risque d’enfermement pour notre ville, rappelait, je cite : « Vichy, qui n’eut point à choisir de 40 à 44 son destin, ne saurait accepter d’être associée à la déchéance du gouvernement qui lui fut alors arbitrairement imposé ».
Pourtant, il était plus commode pour tout le monde d’isoler cette période sombre de notre histoire, y compris sur le plan géographique, en la réduisant à une ville.
Et puis, que pèsent 25 000 Vichyssois présumés coupables, face à 60 millions de Français exonérés d’office ? Vichy, est la victime expiatoire parfaite.
Si l’intervention de Jacques Chirac eut le mérite d’en finir officiellement avec le déni, elle n’eût aucun effet sur les mentalités.
Dans les manuels d’histoire, dans les médias, dans la bouche des politiques et même dans les discours de l’actuel Président de la République, Vichy reste associé à la honte française. Vichy est la honte française.
Au fond, ce ne serait pas très grave si cela n’impactait que notre ville. Nous saurions nous en débrouiller et trouver les ressources nécessaires pour « vivre avec ».
Mais cette manière d’orienter le récit historique de notre pays et la persistance même de ce déni pernicieux, constituent un vrai danger pour l’avenir.
Vivre dans le déni, c’est entretenir les braises des anciens feux.
Vivre dans le déni, c’est garder la porte ouverte à la résurgence des vieux démons.
Cela ne peut plus continuer.
L’histoire de France – comme celle de tous les pays du monde - est aussi faite de périodes complexes dont les comptes n’ont pas encore été soldés, l’actualité récente nous l’a rappelé.
80 ans après, il faut solder les comptes et engager un vrai travail de mémoire.
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A Vichy, nous avons subi et non suscité l’installation du gouvernement de la France. Et pourtant, nous n’avons pas attendu pour prendre notre part à ce travail de mémoire.
Nous l’avons entamé depuis longtemps à travers cette cérémonie d’hommage aux 80.
Nous l’avons complété en consacrant une place à Michel Crespin, plus jeune Vichyssois déporté, mort à Auschwitz en 1944, à l’âge de 5 mois.
Nous l’avons poursuivi en donnant au parvis du Grand Casino – Opéra le nom, ô combien symbolique, de cette grande dame de notre siècle que fût Simone Veil.
Nous l’avons développée aussi en renommant « Allée des Justes parmi les Nations » la promenade qui longe l’Allier et le Pavillon Sévigné, où logeait Philippe Pétain sans savoir que, dans le même bâtiment, des Vichyssois cachaient des Juifs.
Mais ce n’est pas suffisant et ce travail mémoriel, nous allons l’amplifier, l’accélérer dans les années à venir. Nous allons encourager et soutenir la recherche sur le rôle de l’Etat Français entre 40 et 44.
Cet engagement de la Ville de Vichy au service de la vérité est sans réserve. C’est un engagement fort, à la hauteur des enjeux.
Mais cet engagement a une limite. Car nous refusons d’incarner seuls, une fois encore, le travail de mémoire pour le compte de la nation.
Nous avons plus que jamais besoin du soutien de l’État.
Nous avons besoin que les plus hautes autorités de notre pays s’emparent de ce sujet, s’investissent et nous accompagnent.
Je lance donc aujourd’hui un appel solennel à l’État, à travers ses représentants ici présents, mais aussi à travers les relais que sont les parlementaires et d’abord vous Monsieur le Président du Sénat.
Je vous demande de nous aider à faire comprendre à l’Etat qu’il doit enfin se mettre à la hauteur de ces 80 courageux parlementaires qui en 1940 refusèrent d’accorder les pleins pouvoirs constituant à Philippe Pétain et agirent pour le salut de la France.
Aidez-nous à mener à bien ce travail de réconciliation et de concorde nationale en y impliquant l’Etat.
Nous sommes en 2020, 80 ans après. L’avenir de notre nation et des générations futures nous oblige à faire preuve d’audace pour avancer collectivement afin de briser les tabous et d’abattre tous les dénis !
La France peut compter sur Vichy.
Vichy aimerait pouvoir compter sur la France.
Je vous remercie.
En juillet 1940, le gouvernement français s'installait à Vichy. 80 ans plus tard, l’actuel maire de la ville, Frédéric Aguilera (LR), prend la plume, le temps d’une tribune, pour rappeler l’État à la reconnaissance de sa responsabilité.
Il y a 80 ans, Vichy devenait la capitale de l’Etat Français. Un fait doublement imposé : à l’Etat, par l’avancée allemande sur Paris ; aux Vichyssois, par le choix du gouvernement de s’implanter dans leur ville.
Depuis, l’Etat s’est chargé de laver son honneur en mettant à distance ses pires compromissions. Il n’a pas hésité à sacrifier la ville qui l’avait accueilli, alors même que le Général De Gaulle affirmait : « Vichy, qui n’eut point à choisir, de 1940 à 1944, son destin, ne saurait accepter d’être associée à la déchéance du gouvernement qui lui fut alors arbitrairement imposé.»
Vichy était une proie facile. Située loin des centres de décision et des enjeux du moment, la ville possédait – dans l’esprit des gouvernants – les atouts suffisants pour incarner la culpabilité de tout un peuple. Pour sauver les apparences et refonder la nation, la IVème République a écrit un récit historique dédouanant l’Etat.
Notre cité thermale est donc devenue la victime expiatoire d’une France vivant dans le déni autour d’un postulat simple : « C’était à Vichy donc ce n’était pas la France ».
Il faudra attendre les années 90, soit près de 50 ans, pour que l’Etat accepte enfin sa responsabilité dans la collaboration et la tragédie que fût l’extermination des juifs. L’acte fondateur, courageux, fût posé par le Président Chirac le 16 juillet 1995 : « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français ».
Et pourtant, le déni persiste. Le nom de Vichy reste associé à la honte française. Depuis plus de 40 ans, pas un seul Président en exercice n’a visité Vichy. Aucun Président de la Vème République dans le cadre d’une visite mémorielle. Cette indifférence traduit un vrai mépris à l’égard d’une population chargée d’endosser seule le fardeau d’une histoire nationale.
Il est grand temps que cela cesse. Grand temps que la France regarde son histoire en face et remplisse son devoir de mémoire sur la période 1940-1945. A cet égard, l’affirmation claire et systématique de la responsabilité de « l’Etat Français et de son gouvernement » et non du « Régime de Vichy » serait une avancée bienvenue.
A Vichy, nous n’avons pas peur de mener le combat du devoir de mémoire.
Dans le cadre de notre candidature transnationale pour une inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO, nous allons créer un vaste espace muséographique doté d’un centre de recherche pour raconter les 2000 ans de notre histoire prestigieuse. La période de l’occupation y occupera une place prépondérante. Le rôle exact joué par les autorités françaises y sera expliqué.
Nous prendrons donc notre part. A l’Etat, maintenant, de prendre la sienne. Car il est inenvisageable que nous portions seuls cette mission pour le compte de la nation. Je demande solennellement à l’Etat de nous accompagner dans cette démarche, et de reconnaître enfin le statut de victime de notre ville injustement marquée au fer rouge depuis 80 ans.
Jacques CHIRAC rappelait : « Il est, dans la vie d’une nation, des moments qui blessent la mémoire et l’idée que l’on se fait de son pays. Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l’on ne sait pas toujours trouver les mots justes pour rappeler l’horreur, pour dire le chagrin de celles et ceux qui ont vécu la tragédie. (...) Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions ».
Oui, il faut trouver les « mots justes pour rappeler l’horreur » car il n’est pas d’avenir serein sans passé assumé. Mais la France aura-t-elle le courage d’en finir avec son déni ?
► Discours de Frédéric Aguilera (Maire de Vichy et Président de Vichy Communauté) : 10 juillet 2021